Stabilité retrouvée et passion pour la cuisine : le Plateau Technique raconté par deux anciens élèves
Regards croisés sur l'expérience du Plateau Technique
Quel est votre parcours ?
Karim Dabo : je suis arrivé en France le 8 octobre 2016, sans maîtriser la langue française. Je suis malien, je parlais seulement le soniké. J’ai rencontré quelques difficultés dans ma prise en charge, car, dans un premier temps, je n’ai pas été reconnu mineur. J’ai été hébergé par une famille d’accueil pendant 6 mois. A cette période, j’avais 4 heures par jour de cours particulier en français et en mathématiques. En parallèle, j’ai fait des recours pour ma reconnaissance en tant que mineur, à la suite de laquelle j’ai été pris en charge par l’ASE 75. J’avais un très bon niveau et je souhaitais être cuisinier : j’ai intégré en janvier 2017 une classe d’UPE2A (Unité pour élèves allophones nouvellement arrivés) puis, en mars 2017, le Plateau technique. En septembre 2018, j’ai commencé un apprentissage au sein de l’entreprise Délice Supplice, au restaurant du théâtre des Amandiers.
Aujourd’hui, je viens d’obtenir mon CAP Cuisine au CEPROC (Centre européen des professions culinaires), avec plus de 16 de moyenne ! Je suis arrivé 3ème meilleur apprenti d’Ile-de-France, catégorie Cuisine.Ce concours m’a permis de présenter différents travaux : 3 tartes salées (légumes de saison, fromage et une tarte de mon choix) ainsi qu’une prestation sucrée. J’ai préparé ce concours pendant 2 mois, avec l’aide des formateurs et cuisiniers Frédéric Chevalier, Olivier Dufour et Véronique Dossetto. Ce concours m’a beaucoup stressé, mais j’ai fait des choix audacieux avec des prestations techniques. J’ai souhaité mettre en avant des produits et leur donner la parole, comme dit chef Olivier.
Aujourd’hui, je suis diplômé et en CDI chez Délice Supplice, plus particulièrement au restaurant du Palais de Chaillot. Je dirige une équipe de 7 personnes : un plongeur, cinq personnes en cuisine et une personne en pâtisserie. Je suis tellement content d’apprendre à cuisiner aux nouveaux apprentis, comme Alifa qui vient aussi du Plateau technique. J’adore transmettre les valeurs de la cuisine et, plus particulièrement, de l’entreprise. Un grand merci à Olivier et Véronique, ils sont comme une famille pour moi.
Oliver Dufour (Toque Française) ajoute : « Karim a toujours été à l’écoute et volontaire pour apprendre. La notion de transmission est au cœur du métier de chef - et donc de mes confrères. Karim est l’exemple parfait d’un jeune qui avait la volonté d’apprendre, la volonté de recevoir du savoir ; aujourd’hui c’est lui qui le transmet. »
Moustapha Bamba : je suis né le 15/11/2003 en Côte d’Ivoire et suis arrivé en France en septembre 2019. Je suis pris en charge par l’ASE des Hauts-de-Seine. Au pays, j’allais à l’école. J’ai quitté mon pays pour étudier mais surtout travailler en cuisine. Durant mes premiers jours en France, je me suis promené sur les Champs-Elysées et j’ai découvert de grands restaurants. Mon parcours pour arriver en France a été très difficile, Dieu seul sait. J’ai intégré le Plateau technique d’Aurore en janvier, c’était une vraie belle opportunité pour moi qui rêve d’être cuisinier. Aujourd’hui, je suis étudiant au CFA Médéric et je travaille au restaurant Arts & Sciences, qui propose une belle gastronomie française. C’est délicieux, allez-y un jour, Madame Sarah !
Que retenez-vous de votre passage à l’association Aurore ?
Karim Dabo : au Plateau technique, j’ai appris les bases du métier de cuisinier. Les encadrants m’ont appris à découper les fruits et légumes et à réaliser mes premières pâtisseries. L’équipe est à l’écoute, avec la volonté de nous faire réussir. Monsieur Erick m’a fait découvrir des recettes, m’a aidé à affiner certains gestes. Le Plateau technique m’a fait faire mon stage dans les restaurants de Délice Supplice ; j’y ai réalisé mon apprentissage puis signé mon CDI en septembre 2020.
Moustapha Bamba : un rêve ! Au début c’était compliqué, car ça faisait très longtemps que je n’avais pas étudié. Du coup j’avais du mal à respecter les règles, par exemple le vendredi après-midi, je voulais aller au foot avec mes copains. Madame Sarah a été très ferme avec moi, elle m’a bien encadrée, tout en étant gentille, elle dit toujours qu’elle veut juste qu’on s’en sorte. J’ai appris plein de choses auprès des professeurs comme les bases de la cuisine : découpe de fruits et légumes, normes HACCP, recettes de tartes : aux pommes, tatin, citron meringué - et pleins d’autres choses. J’ai aussi beaucoup progressé en français, j’ai appris à faire mon CV, à démarcher les entreprises, quels étaient mes droits et mes devoirs. Pendant le confinement, j’ai eu très peur, mais l’équipe nous a envoyé régulièrement des cours et nous a coachés pour les entretiens d’embauches.
Quel est votre meilleur souvenir ?
Karim Dabo : c’est la préparation du concours des meilleurs apprentis ! Je suis arrivé 3ème (bronze) d’Ile-de-France en cuisine. La valeur de transmission est très forte dans ce concours : le jour-même, j’ai été épaulé par une équipe. Nous étions en Seine-et-Marne, à 5 heures du matin. Il y avait beaucoup de participants et le stress était important. Je relisais toutes mes fiches, regardais mes dessins. Je suis très fier, je remercie vraiment toutes les personnes qui m’ont aidé dans mon intégration : ma famille d’accueil, les gens du Plateau technique, de Délice Supplice, c’est une vraie famille.
Moustapha Bamba : j’ai plusieurs meilleurs souvenirs ! C’est vraiment une belle étape dans ma vie, le Plateau technique. Mon premier meilleur souvenir, c’est quand on nous a remis les tenues de cuisine en janvier, nous avions quelque chose à nous, un habit de cuisine comme de vrais cuisiniers. Mon deuxième meilleur souvenir, c’est la visite de l’école Médéric : le lycée était magnifique, le restaurant d’application beau comme un restaurant étoilé. Madame Sarah nous a rappelé l’importance d’entrer dans un tel lycée. Nous nous sommes sentis assez privilégiés ce jour-là. Nous avons visité les cuisines, le restaurant d’application, nous avons goûté des ananas avec la bande des copains du Plateau technique. A la fin, j’ai pris mon dossier d’inscription, nous avons rempli les papiers.
Que conseilleriez-vous aux jeunes mineurs non accompagnés ?
Karim Dabo : je conseille à tous les jeunes qui arrivent en France d’être courageux, car le chemin est long, mais je suis la preuve que tout peut bien se passer. Quand je suis arrivé, je ne connaissais pas l’alphabet, aujourd’hui, je transmets des recettes à des nouveaux apprentis, je gère une équipe. Il faut aussi obéir et avoir envie d’apprendre. J’ai tellement appris aux côtés d’Olivier et Véronique, ils m’ont donné une chance, nous avons une vraie relation de confiance mutuelle. Tu n’as pas d’autre choix que de t’y mettre à fond ; il ne faut jamais être en retard, toujours être poli.
Moustapha Bamba : je conseille aux jeunes MNA d’être courageux et respectueux car ce n’est pas facile. Mais, au Plateau technique, si on écoute et on respecte l’équipe, on est très aidé. Le respect c’est très important, c’est ce que je retiens.
Et vous chers partenaires, que retenez-vous des partenariats avec Aurore ?
Olivier Dufour : au sein des cuisines de Délice Supplice, les valeurs de transmission, de respect et de confiance sont notre ADN. Les jeunes du Plateau technique ont la capacité d’acquérir rapidement ces valeurs, elles leurs ont été transmises avant leur arrivée dans nos cuisines. Nous travaillons ensemble depuis 2017 sur des mises en situation professionnelle et sur des contrats d’apprentissage. Ils maîtrisent quelques bases de cuisine et sont en plein apprentissage du français, c’est un vrai plaisir de travailler avec eux et avec l’équipe éducative du Plateau technique. Les jeunes ont un gros potentiel s’ils sont mis en confiance, épaulés. Les Toques Françaises travaillent énormément sur la notion de transmission, elle est au cœur de nos cuisines. Avec ma femme, nous adorons transmettre notre métier et nous sommes encore plus fiers de voir les jeunes transmettre entre eux.