Astheriia, l'association montreuilloise devenue un dispositif d'Aurore, traite des conduites prostitutionnelles des mineures
Reprise d'activité
Katia Baudry, 25 ans de "terrain"
Après avoir travaillé 23 ans pour l’association Rues et Cités à Montreuil, Katia Baudry a décidé en 2018 de créer sa propre association avec l’aide de travailleurs sociaux à la retraite : ASTHERIIA. Une thèse en poche et l’obtention du diplôme CAFERUIS*, Katia se lance donc, dans ce projet qui lui tenait à cœur depuis quelques années : la création d’un dispositif qui identifierait et encadrerait les questions prostitutionnelles et plus globalement les conduites à risques à l’adolescence. Pendant 2 ans, elle a porté plusieurs casquettes, elle fut à la fois gestionnaire, éducatrice spécialisée et sociologue ! Puis, elle rencontre Aurore début 2020.
« Je suis quelqu’un de passionné. Je ne pouvais pas aller jusqu’au bout toute seule, et avec mon conseil d’administration on voyait que ça se développait, mais on était pas en mesure de gérer seuls les enjeux politiques et territoriaux. On se demandait ce qu’allait devenir ASTHERIIA ».
Depuis quelques mois, Aurore compte ASTHERIIA parmi les dispositifs du territoire de Seine Saint Denis – Essonne - ESAT.
Astheriia et l'axe Recherche
La ville de Montreuil a demandé en 2018, la mise en œuvre d’une étude, d’un état des lieux, sur la question des comportements pré-prostitutionnels chez les mineurs. Cette étude a été menée par Katia et Béate Collet, sa collègue chercheure et Maitresse de conférence HDR en sociologie et membre du GEMASS (Sorbonne-Université). Parallèlement à cela, elles ont été mandatées par la Mission Métropolitaine des Conduites à Risques du 93, pour mener une étude dans les structures d’accueil ASE du 93, sur « Les conduites prostitutionnelles de mineurs hébergés dans les centres d’accueil de la protection de l’enfance en Seine-Saint-Denis ».
Les jeunes collégiennes (il s’agit d’une majorité de filles), accompagnées par ce dispositif sont des adolescentes qui se livrent à des comportements pré-prostitutionnels et/ou prostitutionnels. Katia nous explique : « On appelle michetonnage tout comportement de séduction vénale ; séduire dans l’optique d’obtenir de la part des hommes de l’argent, des biens, des accessoires de luxe ». Les mineures non accompagnées peuvent aussi chercher, par ce biais, un hébergement pour la nuit.
« En général les jeunes filles ont le sentiment de reprendre le pouvoir sur les hommes, de maitriser la situation, elles jouent avec les sentiments pour recevoir ce qu’elles souhaitent, alors qu’en réalité elles peuvent perdre pieds très vite » poursuit Katia Baudry.
Les acteurs du travail social soulignent que ces comportements sont organisés soit de manière ponctuelle pour étayer un projet (partir en vacances, acheter un sac), soit de manière beaucoup plus régulière, et c’est le basculement dans la prostitution. S’ajoute à cette problématique les questions de consommation et d’addiction « Les adolescentes consomment pour anesthésier leurs souffrances et supporter les violences subies, ou se prostituent pour payer leurs doses. Mais cela part toujours d’une rencontre avec quelqu’un ! » ajoute Katia.
La prévention des conduites à risque
La prévention des conduites pré-prostitutionnelles et prostitutionnelles en milieu scolaire est essentielle. Katia intervient auprès des élèves de 4ème et 3ème dans des établissements du 93. Les thèmes évoqués autour de la « santé sexuelle » sont larges : les relations amoureuses, la prostitution, les relations amicales, l’emprise, le consentement, la manipulation etc… C’est lors de ces rencontres et de ces cessions de prévention que les travailleurs sociaux d’Astheriia (en collaboration avec le collège) peuvent identifier et suivre les jeunes « Avant la pandémie, je rencontrais les jeunes au café, dans les fastfoods, les parcs, les bibliothèques tous les lieux que les jeunes exploitaient et qui permettent de créer du lien ». Bien sûr, l’accompagnement éducatif renforcé peut se faire avec une équipe mobile qui va chercher les filles parfois en fugue, puis axe l’accompagnement sur la réinsertion scolaire.
« Avec certaines, la confiance s’établit parce que je ne suis pas institutionnelle, je vais faire en sorte de partir du positif, de leurs envies et de travailler sur les facteurs qui ont conduit à la prostitution ; Nous parlons santé, scolarité, insertion professionnelle »
Du collège au soutien à la parentalité
Lorsque le contact avec l’adolescente est créé, la question de l’accompagnement des parents dont l’enfant se prostitue, émerge. La communication d’Astheriia permet aux parents davantage de compréhension des conduites pré-prostitutionnelles ou prostitutionnelles, et insiste sur le fait que leurs enfants sont des victimes et non coupables. Ce soutien à la parentalité permet de créer ou de remettre du lien dans la famille mais aussi de faire de la pédagogie sur les procédures le cas échéant :
« Si la situation est judiciarisée, je vais au tribunal accompagner un parent ».
La baguette magique ?
Depuis qu’Aurore a repris l’activité, Katia a les mains un peu plus libres, pour augmenter le dynamisme déjà en place. Elle espère asseoir le dispositif dans le département mais aussi le développer au niveau régional et national : « La RDR semble encore déranger pour ces sujets-là, les gens oublient qu’on a affaire à des ados »
« Je n’ai pas de baguette magique mais la question est toujours : comment allons-nous faire pour travailler tous ensemble ? Enfants, parents, institutions, la collaboration est essentielle ».
La recherche, la prévention, la question de la parentalité, mais aussi la formation des professionnels autant de thèmes sur lesquels Katia travaillent depuis des années et cette reprise d’activité par Aurore promet un joli déploiement !
*permet aux titulaires de ce diplôme d’accéder aux postes de chef de service, de responsable d'unité ou de directeur de petites structures