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L'école du CHU Lumière du Nord : lutter contre l’exclusion dans l’exclusion

Les professionnels prennent la casquette d’enseignants le temps du confinement

Afin de ne pas ajouter de l’exclusion à l’exclusion, les travailleurs sociaux ont décidé de mettre en place une école au sein des murs du centre. Beaucoup d’enfants ne sont pas équipés pour suivre les cours à distance ou pour être accompagnés par leurs parents en terme de soutien scolaire. Ainsi, les professionnels se sont remis à niveau dans leurs tables de multiplication ou leurs règles de grammaire pour permettre à chaque enfant du centre de poursuivre son cursus scolaire.

Les enfants toquent à la porte : l’école s’organise dans le centre

 L’histoire de l’école du centre a commencé presque par hasard. Des enfants sont venus toquer aux portes du bureau des travailleurs sociaux pour demander d’imprimer des leçons envoyées par leurs enseignants. Deux jours plus tard, une longue file de parents et d’enfants s’est formée dès le matin pour accueillir les professionnels à leur arrivée au Centre. Aucune des familles accueillies n’est équipée d’une imprimante, de tablettes ou d’ordinateur. La fracture numérique n’est pas une illusion.

Les travailleurs sociaux ont aussi pris conscience que certains enfants ne s’étaient pas présentés pour réclamer leurs devoirs imprimés. Les professionnels ont donc commencé à prendre contact avec les écoles pour comprendre la situation scolaire de chacun d’entre eux. Effectivement, les mails envoyés par les enseignants étaient restés sans réponse et les enveloppes contenant le travail du mois attendaient dans les écoles.

Après avoir réglé ces situations, la question du lieu où les enfants pourraient se concentrer pour travailler s’est posée. Car leur demande dépassait en réalité de beaucoup le fait d’imprimer leurs leçons : ils cherchaient également une aide auprès de l’équipe du centre.

L’ensemble des professionnels s’est donc organisé pour transformer la salle de réunion en salle de classe, avec des tables par niveaux. Les travailleurs sociaux ont aussi aménagé leurs horaires de travail pour assumer leurs nouvelles fonctions d’ « enseignants ». L’équipe a rapidement pu compter sur des bénévoles pour leur prêter main-forte. En effet certains enfants, plus en difficulté que les autres, avaient besoin d’un soutien scolaire plus important.

Des dons de fournitures scolaires et de tablettes ont également été nécessaire pour les collégiens dont le parcours scolaire a un enjeu déterminant.  

« Tout est maintenant parfaitement orchestré et tous les jours, à 14h pile, les retards n’étant plus acceptés, les enfants attendent devant la porte de la salle, parfaitement habillés, les mains lavées, les cartables sur le dos. » raconte Béatrice, assistante sociale du centre d’hébergement d’urgence.

Cette école aura eu plusieurs points très positifs. Tout d’abord, cela a permis de redonner un rythme au quotidien des familles. Les enfants s’entendent beaucoup mieux depuis qu’ils travaillent ensemble, le confinement semble moins difficile à vivre et certains font d’indéniables progrès.

Les enfants ont su s’adapter à leur nouvelle école bricolée au sein de leur lieu de vie. Ils se sont tellement faits à leur nouvelle école qu’ils ont organisé un spectacle pour leurs familles et les professionnels du centre d’hébergement. Poésies, chorégraphies et chansons ont rythmé la fin de journée pour donner une belle dose de bonne humeur aux spectateurs.

« Ils ont notamment présenté un spectacle « Corona », comme ils ont l’habitude de le faire avec leurs enseignants en temps normal. Cela restera dans les annales du CHU lumières du Nord. » conclut Béatrice.

 

Travailler avec les école dans la lutte contre les phénomènes d’exclusion

La prise de contact avec les écoles des enfants du centre a permis de tisser des nouveaux liens dans l'intérêt des enfants et des familles. Une fois que les enfants retourneront en classe, ces nouvelles collaborations avec le corps enseignant permettront de prévenir les différentes formes de décrochage scolaire, d’améliorer la vigilance de l’équipe dans la prise en charge des enfants présentant des troubles de la concentration, de travailler sur la place et l’implication des parents dans le parcours scolaire de leurs enfants.

« Ce partenariat avec les écoles du quartier nous permettra de travailler en partenariat avec les enseignants dans la lutte contre les phénomènes d'exclusion et travailler sur l’estime de soi de chaque enfant et par extension le regard parental. » explique Marjorie Panepinto, cheffe de service du centre d’hébergement d’urgence.

Adapter l’accompagnement des familles aux contraintes du confinement

Une partie de l’accompagnement social est mis de côté du fait de la fermeture de certains partenaires sociaux comme les préfectures ou autres institutions de suivis des situations administratives des familles.

« Le temps que nous ne pouvons plus mettre dans l’accompagnement social et administratif de ces familles, nous le mettons ailleurs et explorons davantage le soutien à la parentalité ou à la scolarité. » explique Marjorie Panepinto, directrice du centre d’hébergement d’urgence.

Une grande majorité des professionnels de l’association s’accordent à dire que le confinement a permis de prendre du recul sur les modes de fonctionnement du service et sur l’accompagnement des personnes accueillies.

Ainsi, la création de l’école du CHU lumière du Nord a créé une nouvelle relation entre professionnels et situation familiale. Elle a également permis de donner un rythme aux parents et aux enfants dans cette période de confinement, qui brouille quelque peu l’organisation quotidienne.

Qu’est-ce qui se joue au sein des familles ?

Par le prisme de la situation des enfants, les travailleurs sociaux abordent les familles d’une autre manière. En temps normal, des problématiques auxquelles ces dernières font face sont difficiles à traiter pour les professionnels. Mais aujourd’hui, ces questions qui étaient moins travaillées auparavant ont pu être abordées de manière approfondie : la relation d’aide, le soutien à la parentalité, la prévention à la protection de l’enfance.

« Une fois dans leur chambre nous devons respecter l’intimité des familles. Le fait qu’aujourd’hui l’école se fasse à l’intérieur des murs du CHU nous donne davantage à voir ce qui se joue dans les familles. Nous découvrons certaines familles que nous avions du mal à accrocher. » explique Marjorie Panepinto, directrice du Centre d’Hébergement d’Urgence.  

Cette initiative née de la motivation des professionnels et de leur capacité à adapter leurs missions d’accompagnement social aux situations les plus compliquées, jusqu’à tirer avantage de ces situations, démontre leur professionnalisme sans limite !