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Yes we camp, partenaire d’Aurore pour la mixité sociale

Yes We Camp et Aurore se sont rencontrés en 2015 autour du projet des Grands Voisins. Depuis, les projets communs n’ont cessé de se développer. Rencontre avec Aurore (elle aussi) Rapin, coordinatrice générale des projets Yes We Camp (YWC) en région parisienne et dans le Nord.

Qu’est-ce qui est au cœur de l'action de l’association Yes We Camp ?

YWC fabrique des espaces communs avec une forte dimension culturelle et artistique, qui permettent une plus grande implication citoyenne et volontaire. Nous essayons de faire en sorte que dans chacun de nos dispositifs, il y ait une dimension de cohabitation entre des publics qui n'ont pas l'habitude de se côtoyer. On donne à chaque fois une place structurante à des dispositifs sociaux quand on est dans des quartiers où il n'y en a pas, ou alors inversement dans les secteurs qui sont déjà défavorisés, on développe des dispositifs économiques qui permettent le déploiement d'activités.

 

Comment est né le partenariat avec Aurore aux Grands Voisins ?

En 2015, l'association Aurore était déjà présente dans l'ancien hôpital Saint-Vincent de Paul lorsque nous avons été sollicités par la Ville de Paris pour contribuer à faire émerger le projet des Grands Voisins. Notre premier réflexe, quand on a su qu'Aurore était déjà sur place, a été d'aller les rencontrer pour écrire le projet ensemble. Pendant cinq ans, nous avons travaillé ensemble en copilotage et en cogestion du site, ce qui a donné naissance à une multitude de dispositifs dans le projet, avec la collaboration de Plateau Urbain également. Ils ont permis de croiser à la fois le travail social, le déploiement de dispositifs culturels et le montage de restaurants comme d'autres lieux plus orientés sur un développement économique.

Cette grande première a permis d'essaimer le concept sur d'autres sites, notamment les Cinq Toits qui sont installés dans l'ancienne caserne Chalvidan. Cette fois-ci, on est plutôt intervenus à la demande de l'association Aurore pour accompagner le démarrage du projet. On a travaillé sur ce qu'on sait faire : l’aménagement d'espaces comme les terrasses et la signalétique extérieures. On a également donné des conseils aux restaurateurs qui s'installaient pour fabriquer du lien avec les centres d'hébergement et concevoir leur cuisine en cohérence avec les contraintes imposées par l'occupation temporaire. On a beaucoup collaboré avec la coordinatrice du projet pour concevoir son équipe de manière à ce qu'elle puisse aménager des temps d'activités dédiées au public extérieur. On a enfin travaillé sur l'identité visuelle du projet en faisant des ateliers de création graphique avec les résidents. On a suivi pendant un an l'amorçage du projet en intervenant ponctuellement, soit en apportant un soutien lors des événements, soit en construction, soit en ingénierie de projets.

On a également réalisé un chantier participatif au Village Reille, lieu d’occupation temporaire dans le 14ème arrondissement avec Plateau Urbain et Aurore.

 

A la fin des Grands Voisins, la volonté de travailler ensemble était toujours présente ?

A la fin des Grands Voisins, il y avait la possibilité de transférer l’accueil de jour Rapine (pour hommes isolés en situation d’exil) dans les bâtiments du Port Autonome de Paris. Dans ce lieu, Aurore a également créé un accueil de jour familles.

Pour ce projet, nous avons été impliqués dès le départ mais cela a mis un peu plus de temps à se concrétiser. Nous avons réfléchi à comment déployer sur le plus long terme ce qui avait fonctionné à l'accueil de jour dans les derniers mois des Grands Voisins quand il a temporairement été hébergé dans le bar du site. Ce système qui alternait entre accueil de jour et bar le soir avait créé un espace convivial où les personnes accueillies pouvaient se retrouver. Certains ont même pu être employés au bar ! Un certain nombre de solidarités se sont également développées au travers de nombreux dons et des contributions bénévoles. Donc, quand on a su d'Aurore venait s'installer dans ce bâtiment Quai d'Austerlitz et quand on a vu la configuration du bâtiment du Port Autonome, on a renouvelé l’aventure. Ceci a donné naissance aux Amarres, ouvert au public depuis décembre 2021.

Depuis octobre 2020, nous travaillons à faire émerger la communauté d'acteurs qui est aujourd'hui installée dans les locaux, déployer la buvette solidaire ouverte le soir et les week-ends, et construire une programmation culturelle et artistique avec les équipes de travailleurs sociaux et les bénéficiaires de l'accueil de jour.

 

Comment cette collaboration a-t-elle permis l'émergence de tiers-lieux solidaires ?

Dans les projets réalisés, il y a eu un ou des centres d'hébergement et actuellement des accueils de jour. Mais l’insertion par le travail est également inscrite dans ces dispositifs. En plus de contribuer à l'évolution des emplois et des espaces partagés, on favorise la mutation du travail social et son acceptation dans la ville, on réfléchit à la manière de l'intégrer et de faire naître des formes de solidarité plus naturelles. Ce n'est plus un dispositif social qui est fermé ou réservé à une certaine catégorie de population, il est désormais ouvert à tous et ça permet de faire naître ces réciprocités ou solidarités de voisinage.

Par ailleurs, selon moi, le terme "tiers-lieu solidaire", comme le terme "tiers-lieux" dans sa globalité, regroupe un très large panel de pratiques qu’il est difficile de déterminer. À l'inverse de tiers lieux qui peuvent parfois simplement laisser des salles à disposition ou offrir des moments gratuits à des associations qui vont avoir une vocation solidaire ou sociale, ici le dispositif social est au cœur du projet et a un rôle structurant puisqu'il y représente quasiment la moitié de la surface des bâtiments occupés. Tous ces éléments font que la couleur solidaire et sociale à destination des plus vulnérables est plus présente et que toutes les autres activités s'en retrouvent également teintées. Pour parler de ce qu'on a créé aux Grands Voisins, poursuivi aux Cinq Toits et aux Amarres, il est plus réaliste de parler de tiers lieux à vocation sociale.

 

D’autres projets à venir ?

Ce qu'on a inventé ensemble avec l'association Aurore, on va continuer à le déployer. Il y a déjà le travail qui est mené sur ce qui s'appelle aujourd'hui la maison Florian, et qui se situe dans la veine du dispositif lié aux métiers de la restauration qu'on a déployé aux Grands Voisins, combiné avec le plateau technique de l'association Aurore. On va donc pouvoir y trouver des actions de formation et un premier lieu d’insertion avec des stages et des emplois dans un lieu ouvert au quartier avec des espaces partagés avec les associations locales. C'est un projet qui s'inscrit sur 10 ans, donc à long terme, et qui est basé dans le 20ᵉ. Il y a également des pistes dans le 12ᵉ arrondissement dans la friche autour des deux centres d'hébergement du Bastion de Bercy de l'association Aurore, et nous sommes de notre côté en train d'étudier comment y apporter notre contribution.

Enfin, il y a le diplôme universitaire sur lequel nous travaillons depuis trois ans et dont le comité éditorial compte un salarié de l'association Aurore. On est en train de voir comment élargir le programme autour des dispositifs sociaux, alors qu'en parallèle quatre ou cinq employés de d’Aurore ont déjà suivi les cours.

 

En réalité, au-delà de ces projets, le champ des possibles est immense, car il y a une vraie méconnaissance du travail social et des bénéficiaires de la part du grand public. Les lieux qu'on fabrique en commun avec Aurore contribuent à les faire connaître, et donc à les faire accepter. Dès qu'il y a un peu d'espace ou de temps disponible sur un dispositif social, on pourra inventer des manières d'utiliser des lieux qui soient ouverts et connectés avec le reste du territoire. Tant que c'est faisable financièrement et techniquement, il y a autant d'opportunités que de projets possibles. On regarde d’ores et déjà s'il y a déjà d'autres sites d'Aurore sur lesquels on pourrait également s'inscrire et on étudie comment s'investir en amont quand un nouveau dispositif s'apprête à ouvrir. La priorité est bien sûr d'accueillir les personnes dans le besoin, mais ensuite de les environner de nos savoir-faire et de communautés d'acteurs solidaires.