Des cours de français en musique à l’accueil de jour pour demandeurs d’asile et réfugiés Austerlitz

André, bénévole à l’accueil de jour, musicien professionnel

André Lamezec est musicien, guitariste de jazz de formation :

« Ca n’est pas évident pour moi en musique de trouver du sens à ce que je fais, de créer du lien. J’ai d’abord été bénévole à l’accueil de jour, aidant à la buanderie et à l’accueil des personnes. Puis, avec un ami guitariste et ingé son, Valentin Leverrier, on s’est dit que nous pourrions faire de la musique une façon de créer du lien social ».

C’est alors qu’un atelier musique est mis en place à l’accueil de jour. Tous les vendredis entre janvier et mars, un créneau d’une heure est proposée aux demandeurs d’asile et réfugiés : il s'agit de créer un moment de plaisir, de rencontre et d’écoute. Le principal frein est le turnover des personnes accueillies. En effet, les demandeurs d’asile et réfugiés se rendant à l’accueil de jour n’y reviennent pas forcément. Il y a des habitués, qui viennent quotidiennement le temps de leurs démarches vers l’obtention du statut ou le temps d’accéder à un hébergement, mais beaucoup sont des gens de passage. Faire venir les personnes à chaque atelier n’est donc pas évident et il est difficile pour André et Valentin de mettre en pratique ce qu’ils envisagent : créer du lien et développer une pédagogie autour de la musique.

C’est alors qu’ils rencontrent Sory, également bénévole à l’accueil de jour.

Sory, bénévole à l’accueil de jour où il enseigne le français

Sory a lui-même été bénéficiaire de l’accueil de jour lorsqu’il était situé aux Grands Voisins (Rapine). En venant régulièrement, il a commencé à s’investir en montant notamment une équipe de football de l'accueil de jour d’Aurore ! Il s’est fait remarquer par sa capacité à mobiliser les gens et à les fédérer. 

“Je connais la vie à la rue. Je sais ce que la rue fait aux gens. Je voulais que ces personnes soient à l’aise, qu’elles oublient des choses, qu’elles aient un instant de répit.”

Sory aide l’accueil de jour à déménager des Grands Voisins au quai d’Austerlitz. L’équipe sociale lui propose alors d’être bénévole et de donner des cours de français. Petit à petit, avec l’aide d’un autre bénévole prof de français, il prend de l'assurance et ses cours commencent à avoir un grand succès auprès des personnes accueillies. Si bien que d’autres salles sont ouvertes et d’autres bénévoles mobilisés afin de répondre à la demande croissante des demandeurs d’asile d’apprendre le français.

Voyant l’engouement des personnes accueillies pour les cours de français, notamment ceux donnés par Sory, qui parvient à mobiliser les personnes et à les faire revenir d’une fois sur l’autre, André et Valentin lui demandent de l’aide pour retenter un atelier musique.

Le concept naît alors : donner des cours de français... en musique !

Les cours de français en musique

Sur la base du cours de français classique donné par Sory, André et Valentin rajoutent petit à petit un rythme, puis un accompagnement guitare, puis une voix... En amont, Sory explique les mots de la chanson et fait travailler la prononciation. Les élèves viennent principalement d’Afghanistan et ne parlent pour certains pas un mot de français en arrivant.

Sur la semaine, trois cours de français en musique sont proposés, et le dernier donne lieu à un moment de restitution sous la forme d’un concert privé, à destination de l’équipe sociale de l’accueil de jour et des bénéficiaires. Pour ce premier coup d’essai, trois chansons ont été présentées par une dizaine de participants à l’atelier : Aïcha, Aline et Le temps des fleurs. Cette dernière se trouve par hasard être connue en Afghanistan !

“Les cours de français en musique c’est bien, c’est plus facile pour retenir les mots. Si ça recommence, je viendrais encore !”

Nabil, demandeur d’asile afghan participant au cours de français en musique

L’apprentissage de la langue dès l’arrivée en France

Proposer des cours de français à des demandeurs d’asile n’est pas dans le cahier des charges des accueils de jour. Les réfugiés ont accès à des cours avec l’obtention de leur statut mais pas les demandeurs d’asile. C’est une réelle volonté de l’équipe de l’accueil de jour Austerlitz :

“On s’est rendu compte qu’on ne préparait pas du tout les personnes accueillies à l’insertion socio-professionnelle. Une fois le statut de réfugié obtenu, on voit que la majorité des personnes ont de grosses lacunes en français et ça rend plus difficile et plus long l’accès au logement et au travail. C’est une grosse perte de temps. L’enseignement du français dès la demande d’asile manque clairement dans le process”, explique Seynabou, coordinatrice de l’accueil de jour Austerlitz, “Nous pouvons proposer ces cours grâce aux bénévoles, ils sont fantastiques !”

Apprendre le français à travers la musique est finalement très efficace : la manière ludique fait passer les messages plus facilement et les élèves retiennent mieux. L’accueil de jour aimerait développer cette approche, qui a aussi permis de tisser des liens dans le groupe des apprenants. Une prochaine session est prévue fin juin avec une restitution début juillet. Au-delà des bénéfices pour les demandeurs d’asile, ces moments de partage en musique lors des restitutions font plaisir aux équipes sociales. Sory ajoute “On le fait aussi pour l’équipe sociale, on sent qu’il y a parfois un poids, que le métier peut être dur, très dur. Permettre un moment joyeux, différent de l’accompagnement, ça leur fait du bien à eux aussi.”