Soumani, travailleur-pair chez Aurore
Vers le chemin de l'abstinence
Je suis venu d’Afrique en 2009. Depuis l’âge de 13 ans j’avais des problèmes d’addiction, en France ça a explosé.
Très longtemps j’ai connu la rue, la prison, la violence. Je n’avais plus d’espoir, je ne savais même pas qu’on pouvait arrêter.
Un jour, un travailleur social en prison m’a parlé de lieux de soin : je suis allé à Gagny, au CSAPA* Clémenceau.
Mais je n’étais pas prêt, je suis retourné dans la rue, l’addiction et la prison.
En 2016, ma dernière peine, j’ai recontacté Gagny : mon passage m’avait quand même marqué.
J’y ai entamé une démarche d’abstinence et ils m’ont orienté vers la CT* d’Aubervilliers.
Au début je n’y croyais pas : « Ces thérapies par la parole, c’est un truc de Blancs, c’est pas pour nous les Africains. »
Mais j’ai croisé des Blancs qui n’y croyaient pas non plus ! Les anciens avaient le même parcours que moi, la rue, la drogue, la prison : « Si ça a marché pour eux, ça peut marcher pour moi » … J’ai commencé à adhérer : on pouvait arrêter complètement, aller mieux, reprendre une vie normale, travailler, …
J’ai compris qu’il faut faire tout un travail sur soi et sur son passé si on veut rester abstinent : il y a des choses à comprendre.
J’ai réappris à vivre, tout doucement.
Être pair-aidant : aider l'autre à travers son expérience
Aujourd’hui, je suis salarié d’Aurore, je fais partie de l’équipe mobile des pair-aidants. On intervient chez Itinérances, au CSAPA Clémenceau, à l’AFPA*, dans les missions locales.
En réalité, la pair-aidance, on peut l’appliquer dans beaucoup de cas.
Au-delà de l’addiction, j’ai un parcours migratoire ; avec un public en majorité migrant, c’est un degré d’identification supplémentaire.
Avec ce parcours, on n’a pas de papiers, c’est la rue, puis la drogue, la prison, ça s’enchaîne vite… Quand on tombe dans les addictions, c’est très compliqué. On ne peut pas entamer les démarches, parce qu’on n’a pas la base : les papiers.
Avec l’équipe, on travaille à sensibiliser le public et les professionnels : les pair-aidants peuvent apporter un plus, faciliter, faire gagner du temps et rendre encore plus efficace la prise en charge des personnes. C’est à nous de créer un climat qui permette de travailler avec l’équipe.
Selon le public, on adapte.
Aux jeunes migrants, j’explique qu’il faut oser demander de l’aide. Que si on attend de toucher le fond, ça prend des années pour se rétablir. On essaie de casser les croyances culturelles. On travaille sur la santé mentale, les émotions. Venant de moi, un Africain qui a le même parcours migratoire qu’eux, ça les aide à y croire, à essayer.
On est très accessibles pour les gens qui ont le même parcours que nous, ça crée un climat de confiance.
Quand on entre en jeu, on arrive à pousser les gens dans la réflexion ; donc ça peut aller vite, ça peut faire gagner du temps.
Aujourd’hui ça va. Je suis abstinent depuis avril 2016. Je prépare la certification de patient expert, pour mieux structurer mon savoir expérientiel.
En gros, la vie est globalement belle, maintenant je peux le dire !
Je suis en couple, j’ai deux petites filles de 2 ans et demi et 4 mois.