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Soleillet : un centre d'hébergement et de réinsertion sociale pour les femmes sortant de prison

Journée internationale des droits des femmes

Soleillet est un centre d'hébergement et de réinsertion sociale qui accueille des femmes seules, ou avec enfants, sortant directement de détention. Des places dans la structure commune, ou en appartements diffus, sont proposées afin d’accueillir et d’accompagner ces femmes jusqu’à une réinsertion préparée avec leur participation active.

Niché au cœur du 20ème, le goût de la liberté

C’est un petit bâtiment discret dans une rue calme du 20ème arrondissement de Paris qui abrite ce service d’Aurore depuis 1984. Quarante places en structure commune ou en appartements diffus y sont proposées pour permettre à des femmes sortant de prison de poser leurs valises quelques temps (en moyenne 20 mois). Une prise en charge globale dès l’incarcération qui permet de bien préparer la sortie, puis d’élaborer un projet d’insertion qui autorisera le développement de leur autonomie sociale et professionnelle. Le suivi, et les actions qu’elles mettent en place prévient souvent la récidive. Soleillet est là jusqu’à ce qu’elles volent de leurs propres ailes.

Les femmes en prison, un traitement différencié

Les femmes en prison sont minoritaires (moins de 4% de la population carcérale), donc assez peu visibles socialement, souvent oubliées des pouvoirs publics. Dans ces lieux de détention inégalement répartis sur le territoire français (seuls deux établissements sont dédiés aux femmes, la Maison d’Arrêt de Versailles et le Centre de Détention de Rennes), l’accès aux activités et aux parloirs est rendu difficile pour elles, en raison de la non-mixité.

Se retrouvant dans des établissements faits pour accueillir des hommes, elles doivent sans cesse s’adapter. « L’accès aux soins médicaux, au sport, aux activités professionnelles… tout est compliqué pour elles ! Elles doivent attendre que les hommes aient fini pour pouvoir accéder à certaines choses » nous dit Jean-Noël Barnet, éducateur spécialisé.

Les femmes en prison ont donc souvent une « double peine », étant de manière générale davantage discriminées et marginalisées. Moins préparées à la sortie de prison, elles sont également plus isolées et plus stigmatisées par les représentations sociales.

Soleillet les accueille sous différents régimes : mise en liberté, libération conditionnelle, aménagements de peine (placement sous surveillance électronique et placement extérieur), libération définitive. Elles retrouvent à Soleillet le cadre nécessaire pour se rassurer et engager une nouvelle vie, l’équipe défendant l’idée de pouvoir prendre « un temps long ». L’exercice de la parentalité est un axe de travail qui permet de favoriser le maintien des liens familiaux et l’accueil par intermittence des enfants. « Le temps qu’on prend pour travailler avec elles sur ces questions d’insertion est très important, cela passe pour chacune d’elle par quelque chose de très différent : pour certaines c’est mettre à distance un produit, pour d’autres récupérer leur enfant, ou pour d’autres encore travailler un lien affectif toxique » déclare Carine Saussez, éducatrice spécialisée.

Les impacts du vécu carcéral sont nombreux pour toutes ces femmes qui entreprennent un début de reconstruction dans le Centre d'Hébergement et de Réinsertion Sociale (CHRS) et l’accompagnement régulier des travailleurs sociaux est indispensable. Parfois résistantes à leur arrivée, elles s’approprient rapidement la vie communautaire et institutionnelle, par étapes.

Rencontre avec Chrystal : "une chance pour un nouveau départ"

La visite du service nous a permis de rencontrer une femme qui a passé 27 mois à Soleillet. Elle s’appelle Chrystal et porte bien son surnom, elle a une voix à la fois douce et apaisée mais en même temps assurée, elle répète que Soleillet lui a donné "une chance pour un nouveau départ". Elle a 59 ans, quatre enfants et a passé 27 mois dans la structure.

Chrystal a été incarcérée 7 ans et 5 mois pour un homicide. En prison, ses tentatives de suicide se succèdent, elle évoque les périodes les plus difficiles autour de Noël, parce que c’est le 25 décembre qu’elle est passée à l’acte. Aujourd’hui, elle ne voit plus ses enfants mais garde bon espoir que les choses puissent continuer de s’arranger.

Elle est arrivée à Soleillet en mai 2017 après avoir rencontré l’équipe dans la prison pour femmes de Reau. Après plusieurs allers et retour en permissions et un passage en commission d’admission, sa demande a été acceptée.

Rapidement après avoir intégré Soleillet, elle a suivi des formations professionnelles et a obtenu aujourd’hui un poste en CDD comme « chargée de recouvrement ».
En arrivant en structure, Chrystal dit avoir d’abord été heurtée de se retrouver à nouveau en groupe, il a fallu s’adapter à cette vie communautaire, se faire aux nouvelles règles dans les parties communes, la question des repas, de la relation aux autres aux horaires : « Les contraintes d’horaires me donnaient la hantise de ne pas rentrer à l’heure ».  Pour Chrystal, s’approprier son lieu de vie est une nouvelle paire de manches !

En 2018 l’équipe décide qu’elle est en capacité d’intégrer un des appartements du CHRS, envahie par la peur elle ne se sent pas prête. Dans ses pires projections elle craint la récidive « Etre ici, c’était savoir que s’il nous arrive quelque chose à 21h ou à 23h, il y aura toujours quelqu’un ». Pour toutes ces femmes, l’appartement est un pas supplémentaire vers l’autonomie. « Avant d’être incarcérée j’ai toujours travaillé, j’étais standardiste. Quand on est enfermé pendant 7 ans, on est infantilisé en fait, on ne fait rien, quand vous sortez de prison il y a des habitudes à prendre ».

Elle dit avoir mis du temps à pouvoir parler de ses émotions, tous s’accordent à dire qu’elle a beaucoup changé. Pudique, elle avoue même avoir réussi à se baigner l’été dernier, tout ceci lui a permis de se reconstruire « Le passé est toujours là mais je l’allège ».

Soleillet mise sur la réhabilitation de ces femmes qui ont l’opportunité de sortir, et les suit, pas à pas, jusqu’à un retour à la citoyenneté et au droit commun.

Chrystal ajoute « Soleillet a misé sur moi, ils ne peuvent pas prendre tout le monde, j’estime que c’est une grande chance ! Il faut redonner ce qu’ils nous ont donné, Soleillet aura toujours une place particulière dans mon cœur ».

En partant je lui dis « Je vous souhaite le meilleur ! »

« Il arrive » me répond-elle…

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